Optimiser la gestion des flux avec l'Internet des objets : l'expérience de la ville de Versailles
Entretien avec Pierrick Degardin, Chargé des nouvelles solutions technologiques à la Direction Générale des Services, Cellule Projets Innovants
La ville de Versailles développé l'Internet des objets pour sept cas d'usage. Cet article, issu d'un entretien avec Pierrick Degardin, Chargé des nouvelles solutions technologiques à la Direction Générale des Services, présente les besoins de la ville à l'origine de chaque projet, les caractéristiques techniques des solutions retenues, les coûts et les difficultés rencontrées.
Cette démarche d'IoT en open source, lancée en 2018, est entièrement hébergée par la ville, qui reste propriétaire des données et de l'infrastructure : serveur locaux, réseau fibre, 12 antennes LoRaWAN. Le projet, initialement porté par le service Energie et Fluides et la Direction des systèmes d'informations et du numérique (DSIN), a ensuite été transféré à la cellule Projets Innovants avec un chef de programme désigné pour recenser les besoins.
Liste des cas d'usage
- Plan Particulier de Mise en Sureté (PPMS)
- Mesure des températures de chaussées pour l’optimisation du salage
- Déploiement de capteurs environnementaux dans les bâtiments de la collectivité
- Suivi et optimisation de la consommation énergétique des bâtiments
- Station météo locale pour mesurer la température, la pluviométrie et la vitesse du vent
- Suivi de la consommation en eau de logements appartenant à la ville
- Suivi de la production de panneaux photovoltaïques
Plan Particulier de Mise en Sureté (PPMS)
Quel était votre besoin de départ ?
Nous avons l’obligation de diffuser une alerte dans les écoles. Auparavant l’alerte était donnée avec une corne de brume en plastique, ce qui fonctionne bien pour le risque chimique et climatique mais qui serait plus compliqué pour le risque terrorisme.
Pourquoi avez-vous choisir une solution Lora ?
Nous voulions éviter de passer des câbles dans l’école, et ce système permet de se déployer sans avoir à tirer des câbles.
Quelle solution technique avez-vous choisie ?
La solution fonctionne avec des boutons poussoir identiques aux boutons incendie. En parallèle on a installé des hauts parleurs pour déclencher un message vocal dans l’établissement. Cela permettra de faire aussi passer la sonnerie d’école. Derrière le réseau Lora on a un réseau fibre ultra performant, donc même sans internet le système marche en local.
Combien a coûté ce déploiement ?
C’est ce projet qui a payé l’expérimentation en Lora avec les serveurs. Le premier déploiement sur la première école a couté 30 000 euros avec une antenne et les installations sur les serveurs.
Pour la partie déploiement dans toutes les écoles, c’est la partie sonorisation qui est la plus couteuse. Pour 29 écoles, on a passé un marché à 144 000 euros. On a demandé 30% de subvention au titre FIPD (Fond Interministériel sur la Prévention de la Délinquance), dans le cadre de la sécurisation des écoles.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Une seule société a répondu à notre appel d’offre car la plupart des solutions fonctionnent sur le principe du système radio (aussi utilisé dans les supermarchés). Peu de fabricants développent ce système en Lora. La société qui a répondu a ainsi développé ce premier cas d’usage avec nous.
Quel déploiement prévoyez-vous pour la suite ?
Nous avons prévu d’équiper les 29 écoles de la ville avec des boutons poussoirs Lora. Le marché a été notifié en février 2021 et il faudra compter un an et demi pour équiper toutes les écoles.
Quels conseils donneriez-vous aux collectivités qui souhaitent lancer ce cas d’usage ?
Il faut maintenir une bonne interface avec la DSI, car c’est eux qui sont en charge des serveurs. On a un VLAN pour ce cas d’usage et si le boitier est déclenché, l’information est relayée à la police municipale. Le réseau de la police et le réseau de l’école sont séparés et il a fallu faire un relais - ce qui pose des problèmes de sécurisation à la DSI dont le réseau ne doit pas être ouvert. Les deux réseaux étant gérés par la même DSI, la solution palliative repose sur un relai physique - le réseau de la ville et celui de la police étant physiquement présents dans le même bâtiment. Il aurait été suffisant de mettre un VPN mais cette solution n’a pas été jugée suffisamment protégée.
Par ailleurs, deux ans de négociation ont été nécessaires pour convaincre les directeurs d’école réticents a ce qu’on mette des antennes en fibre de verre dans les écoles. Les antennes font 50 cm et sont disposées sur un mât.
Mesure des températures de chaussées pour l’optimisation du salage
Quel était votre besoin initial ?
Ce cas d’usage a démocratisé le réseau. Il existe 9 ponts dans la ville et quand il fait 4 ou 5 degrés et qu’il y a du vent, la température peut descendre à zéro sur le pont.
Quelle solution technique avez-vous mise en place ?
On a détourné un capteur de parking pour récupérer la température - car ce type de capteur intègre forcément la température. On en a installé sur tous les ponts et on a créé une petite appli pour permettre un accès direct via smartphone pour les agents d’astreinte qui peuvent alors aller saler.
Quel est le bilan de ce cas d’usage ?
C’est très efficace et les services salent plus qu’avant. On est sûr qu’il n’y a pas de problème.
Quel déploiement envisagez-vous ?
On fait le test sur les 9 ponts avec un capteur par pont. A partir de 2022 les services souhaitent le déployer dans certains angles de rues pour un quadrillage plus précis.
Dans le même esprit, on va détourner cet usage pour des mesures sur l’herbe et la chaussée. En effet, le service des espaces verts souhaite montrer que la végétation fait baisser l’ilot de chaleur urbain (ICU).
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Nous avions initialement posé des capteurs au-dessus des réseaux de chaleurs, or ceux-ci sont toujours à 15 degrés. Il a donc fallu déplacer les capteurs pour ne pas brouiller la mesure.
Combien ce cas d’usage a-t-il coûté ?
Chaque capteur a coûté autour de 280 euros. Il s’agit de capteurs chinois Winext. Nous n’avons pas trouvé de capteurs qui ne donnent d’indications que sur la température de chaussée. En effet, il convient de choisir des capteurs ayant une coque très solide (puisqu’il est destiné à recevoir des passages de piétons, de véhicules), donc le capteur de parking bien adapté. C’est pourquoi nous envisageons de changer de capteurs et nous sommes en négociation avec un fournisseur qui propose des capteurs plus simples.
Au total le projet a couté 10 000 euros comprenant les capteurs et la prestation de création des tableaux de bord, d’intégration dans la plateforme, la création des utilisateurs et la formation.
Jusqu’à présent on payait en une fois pour chaque cas d’usage. Nous avons par ailleurs conclu a un marché d’expérimentation a 100 K€ et nous conclurons un accord cadre pour la mise en œuvre. Ce type de contrat permet de faire un marché sans remise en concurrence. Le caractère innovant, qui justifie ce type de marché, vient du fait qu’il s’agit d’un réseau ville.
Déploiement de capteurs environnementaux dans les bâtiments de la collectivité
Quel était votre besoin initial ?
Nous souhaitions connaitre et optimiser la température et l’humidité dans nos bâtiments pour agir en temps réel sur les pannes et les dysfonctionnements.
Quelle solution technique avez-vous mise en œuvre ?
Nous avons déployé une soixantaine de capteurs de température, d’hygrométrie et CO2 dans les bâtiments de la collectivité, et en priorité les bâtiments dont on savait déjà qu’ils posaient des problèmes de chauffage. Les capteurs ont été disposés dans les endroits les plus défavorisés pour que nous soyons informés des pannes ou de tout type de problèmes. Le musée et la bibliothèque - qui contient de nombreux d’ouvrage anciens - sont maintenant sous contrôle pour la température et l’humidité.
Quel bilan tirez-vous de ce cas d’usage ?
Nous prônons plutôt des solutions qui prennent en compte l’ensemble des problématiques liées au chauffage, à la gestion de la canicule, aux différentes problématiques liées à l’énergie…. Nous ne souhaitons pas traiter chacun de ces problèmes un par un. Ainsi ce cas d’usage à partir des capteurs nous aide à argumenter pour justifier une approche globale.
Quel a été le coût de cette opération ?
60 capteurs à 200 euros pour une solution à 17 000 euros comprenant les capteurs et la partie ingénierie.
Suivi et optimisation de la consommation énergétique des bâtiments
Quel était votre besoin initial ?
Nous avons souhaité mettre en œuvre une régulation de deux crèches avec l’IP et du Lora et à la fois pour mesurer de consommation électrique et la puissance consommée.
Quelle solution avez-vous mise en œuvre ?
Nous avons déployé des box JEEDOM de domotiques utilisées dans le logement pour réguler le chauffage électrique d’une crèche.
Quel a été l’investissement financier et quel sera le retour sur investissement ?
La solution ELTAKO a couté 4 500 euro et nous l’avons choisie car Domopad travaillait avec cette solution. Pour le JEEDOM nous disposons d’une techno NOcean qui récupère la température dans le bâtiment sur lequel se fait la régulation.
Pour l’ensemble des deux crèches la solution a coûté 20 000 euros. Pour la partie électrique cet investissement sera amorti sur 2 ans car l’un des bâtiments étaient chauffé à 28 °C en permanence. La température est maintenant à 21 °C et s’arrête le soir et les week-end. Sur l’autre crèche, il y avait des disparités de chauffage donc nous n’allons pas réaliser d’économie mais on a amélioré le chauffage pour 15 000 euros grâce à la mise en œuvre d’un chauffage hydraulique.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Il a fallu un temps de coordination avec le centre technique municipal. Il a fallu se familiariser avec les technologies à l’interface de l’informatique et de l’électrique. Et nous avons toujours travaillé avec la DSIN pour coordonner les prises électrique a remettre sur le bon VLAN. Ceci était nouveau pour la DSIN et s’est traduit par une belle montée en compétence.
Quels conseils donneriez-vous ?
La solution permet de faire du sous-comptage directement à partir du tableau électrique, ce qui est très pratique pour séparer les usages et à condition que le tableau électrique soit bien fait.
C’est pourquoi nous avons sensibilisés les électriciens pour qu’ils séparent bien les départs par usage (éclairage, prises, chaufferie) et non par pièce.
Suivi de la consommation en eau de logements appartenant à la ville
Quel était le besoin initial ?
Une centaine d’anciens logements réservés à l’usage des instituteurs n’ont pas de compteurs d’eau individuel, mais seulement un compteur général. Ces logements sont maintenant utilisés par les agents de la ville sur critères de revenus. Nous voulions responsabiliser les locataires qui paient aujourd’hui un forfait en fonction de la taille du logement. Dans un premier temps, nous leur donnerons une information sur les consommations, puis nous individualiserons les factures.
Quelle solution technique avez-vous retenue et où en êtes-vous du déploiement ?
Nous sommes en cours de déploiement de ce cas d’usage. Nous sommes en train d’équiper tous les logements en compteurs d’eau munis de capteurs Lora. Les plombiers de la ville vont mettre les compteurs, un agent met les capteurs sur les compteurs, et le dashboard est mis a disposition du service de la gestion locative.
Quel est le coût de cette opération ?
Entre 25 000 et 30 000 € pour les compteurs, le Lora et les dashboard.
Suivi de la production de panneaux photovoltaïques
Quel est le dispositif ?
Nous avons fait réaliser deux installations de panneaux photovoltaïque par les électriciens et couvreurs des services de la ville sur le centre technique municipal et sur le tennis club. Dans un second temps d’autres seront installées sur une école. La production électrique sera suivie soit en Lora à proximité du réseau soit avec de l’IP.
Pourquoi avoir ce chantier en régie ?
Au départ, la pose des deux premières toitures a été réalisée par nos techniciens. Cette solution n’était pas moins chère que si on faisait faire les travaux et que l’on recevait les subventions. Mais nous avons choisi cette solution pour former nos techniciens. Pour le moment, nous sommes en autoconsommation totale mais avec la situation sanitaire le tennis ne fonctionne pas. On visera par la suite des surfaces plus importantes et on fera de la revente.
Quel a été le coût de cette opération ?
Un coût de deux fois 10 000 euros.
Station météo locale de mesure de la température, de la pluviométrie et de la vitesse du vent
Quels besoins aviez-vous ?
Nous avions besoin d’une petite station météo locale, en complément de météo France, pour mesurer les précipitations et la vitesse du vent, afin que les agents d’astreinte puissent anticiper les fermetures des parcs ou des marchés. Par ailleurs, nous avions besoin d’une connaissance plus fine de la température (en complément de Météo France) pour être plus précis dans la régulation du chauffage sur certains bâtiments.
Il s’agissait au départ d’un test et la station a été mise sur le stade car c’est assez central. Par la suite, ces mesures de température ont été déployées dans plusieurs endroits.
Quel a été le coût de cette opération ?
Cette solution a coûté 3 000 euros.
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Quel est le plus grand bénéfice à l’utilisation de l’IOT dans vos cas d’usage ?
Le Lora et la fibre donnent ensemble une grande capacité de mesure et une grande souplesse. Par exemple, aujourd’hui nous sommes en train de renouveler le contrat de chauffage. Pour ce faire, nous réalisons des mesures pendant une semaine, puis nous reprenons les capteurs et les disposons ailleurs. Ceci permet de faire des audits très rapidement.
Contacts
Article rédigé sur la base d'un entretien réalisé par Marie Laure Papaix, Cerema, en février 2021 avec Pierrick Degardin, Chargé des nouvelles solutions technologiques à la Direction Générale des Services, Cellule Projets Innovants (pierrick.degardin@versailles.fr).
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